L’Afrique, un terreau fertile pour la philosophie du logiciel libre 3/3?

Eh bien, nous voici à l’acte 3 de notre petite aventure avec les solutions libres (ou open sources selon votre convenance…bref!). On avait prévu de parler un peu de l’aspect juridique de la chose, n’est-ce pas? Puisqu’on avait dit que les logiciels libres ne correspondaient pas au modèle économique des logiciels propriétaires. Les logiciels propriétaires ont déjà trouvé leurs propres places dans le droit existant ou à défaut, se sont inventé leurs propres règles. Mais qu’en est-il du libre? Quel modèle économique? Quelle place pour les droits d’auteur? Quel intérêt juridique pour le développeur/usager africain?

Quel est le modèle économique de base du libre?

En réalité, même si de façon primaire, il se pose une apparente contradiction en l’idée de l’association du libre à une captation économique, la question reste entière et mérite d’être approfondie. Ah oui, il existe des entreprises dans le domaine du libre carrément et ils y font de bons chiffres d’affaire. Alors, comment font-ils alors que le logiciel libre n’est pas forcément vendu ? La contradiction demeure! Surtout que le libre est guidé par l’esprit de partage et de liberté.

Comment ça se passe donc? Il existe plusieurs possibilités. Il est possible que des entreprises paient des programmeurs pour leur développer une solution qui sera libre. L’autre possibilité veut que le produit soit libre, mais que la formation à son usage, son intégration et le support technique pour l’entreprise ou le particulier qui l’acquiert soient des prestations rémunérées. L’autre piste très intéressante est que la solution développée soit entièrement libre mais que le matériel spécifique avec lequel il fonctionne soit le produit vendu. Tenez par exemple: le modèle économique d’Android (propriété de Google) est intéressant. Il a l’air d’être un logiciel open source (et dans une large mesure, oui, ça l’est). Mais même si le code source est disponible, il n’inclut pas certaines fonctionnalités de Google comme les Google Mobile Service (GMS) tels que Maps, Gmail et surtout Google Play etc. Pour pouvoir utiliser ces services, les entreprises fabricantes de téléphones doivent passer un test tarifé pour acquérir la licence GMS pour chaque modèle de leurs produits. Vous voyez, c’est de l’argent. Voici qui introduit la vente de certaines licences de produits qui sont, à la base des extensions d’un logiciel Open Source. Ce sont des exemples, et il existe certainement d’autres moyens de rentabiliser le logiciel libre…surtout que ceux-ci sont souvent et surtout utilisés à des fins commerciales.

La question des droits d’auteur des logiciels libre

Alors que les logiciels propriétaires donnent un droit d’auteur exclusif par défaut. Dans l’écosystème de la programmation, en général, cela signifie que personne d’autre ne peut utiliser, copier, distribuer ou modifier votre œuvre sans risquer des démontages, des ruptures ou des litiges.

Le principe de l’Open source permet amène l’auteur de l’œuvre à espérer/permettre que des utilisateurs puissent non seulement l’utiliser, mais la copier, la distribuer ou la modifier votre œuvre

La question du droit d’auteur existe encore ici! Oui, le logiciel libre a quand même un « propriétaire » avant tout. Ici, il s’agit de la personne qui a le premier, travaillé sur le projet et l’a mis en circulation…le créateur. Le principe de départ est clair. Le créateur de l’œuvre est libre de définir l’utilisation qui est susceptible d’en être fait. Ce dernier a le droit de déterminer (même si c’est du libre), le(s) type(s) de licences qui s’y appliquent. C’est là que les droits de l’auteur se manifestent en prime. Il existe plusieurs licences qui adhèrent bien à l’esprit et aux principes du libre. Parmi ces licences libres, on peut citer la GPL, régissant notamment le système d’exploitation Linux, la BSD (Berkeley System Distribution) ou encore la LGPL. On classe les licences en trois catégories en tenant compte de leur caractère appropriable ou contaminant. C’est ainsi qu’on a les licences « copyleftées » persistantes, les licences « copyleftées » contaminantes et les licnences non-« copyleftées ». En fait, le copyleft est un système imaginé pour empêcher aux logiciels libres de pouvoir être appropriés. Il existe aussi des licences hybrides qui ne correspondent pas à tous les principes du libre.

Désolé pour la grosse parenthèse sur les licences. Il le fallait, à mon sens. Alors, maintenant les droits d’auteur. Il est constant en droit que dès la création d’une œuvre, son propriétaire jouit de droits d’auteurs dessus. Cela induit la garantie que personne ne puisse reproduire, diffuser ou distribuer son œuvre sans son autorisation expresse. C’est justement ces garanties qu’entérinent ou allègent les licences. L’auteur exerce son droit par le biais d’une licence libre et renonce à l’exclusivité des droits conférés par le droit de la propriété intellectuelle. Il est donc clair que la question des droits d’auteur est bien présente dans le domaine du libre. Le créateur de l’œuvre, en fonction de la destination (et des restrictions) qu’il souhaite donner à l’œuvre, choisit la/les licence(s) qui lui convienn(en)t. Par exemple, l’auteur peut décider que sa solution ne sera jamais utilisée à des fins militaires, politiques, nucléaires, ou qui portent atteinte aux droits de l’Homme. On peut en tirer toutes les conséquences pour le développeur africain.

Un intérêt juridique pour le développeur/usager africain?

Pour le développeur africain, c’est clair, celui-ci a alors le choix de définir le champ de l’utilisation et de modification ainsi que les objectifs d’une telle entreprise par le choix des licences qu’il appliquera à son œuvre. Mais on peut encore multiplier les exemples.

Pour l’usager, l’avantage juridique est lié à l’avantage économique. L’acquisition du logiciel libre est relativement moins coûteux et il peut s’associer avec d’autres potentiels usagers pour financer la mise en place d’une solution adaptée à ses/leurs besoins. Cette solution pourra être placée sous licence libre. Bien entendu, il y a plusieurs questions qui mériteraient d’être approfondies sous l’angle du droit mais autant s’en tenir à ça.

Alors, dites-moi, pensez-vous comme moi que le libre/Open source est l’avenir?

Pour en savoir plus..

Publié par Seyram Adiakpo

Je suis Seyram Adiakpo, juriste de droit public très intéressé par la problématique de l'internet et de la souveraineté numérique. Je discute sur mon blog des enjeux juridiques liés à internet et à son usage.

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