L’Internet est un droit de l’homme et il est de plus en plus en passe d’être reconnu comme tel. Cependant, les coupures d’internet sont de plus en plus fréquentes en Afrique. Dans le contexte du Togo, une décision a été rendue le 25 juin 2020 par la Cour de justice de la CEDEAO, condamnant le Togo pour avoir la restreint de l’accès à internet du 5 au 10 septembre et du 19 au 21 septembre 2017. Une victoire considérable pour les droits numériques au Togo (mais aussi en Afrique).
Pourquoi faut-il condamner les restrictions de l’accès à internet?
Comme je l’avais laissé entendre plus haut, l’accès à internet est en passe de devenir un droit humain (c’était déjà un droit). En 2016, Le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des nations unies (ONU) avait adopté une résolution pour «la promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur internet». Cela consacrait le droit de l’accessibilité à internet comme un droit fondamental. Par cette résolution, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a condamné «sans équivoque les mesures qui visent à empêcher ou à perturber délibérément l’accès à l’information ou la diffusion d’informations en ligne».
Cette résolution s’est orientée sur l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui encadre le droit à la liberté d’opinion et d’expression depuis 1948. L’article 19 stipule que «tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit».
Internet est devenu un facteur très important à prendre en compte dans la protection de la liberté d’expression.
Quel est le contexte de la décision?
En décembre 2018, sept Organisations non gouvernementales (ONG) basées au Togo et une journaliste blogueuse ont saisi la Cour de justice pour dénoncer la violation par les autorités de la liberté d’expression.
Il s’agit de l’Amnesty International Togo, l’Institut des médias pour la démocratie et les droits de l’homme (IM2DH), La Lanterne, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), l’Association des victimes de torture au Togo (ASVITTO), la Ligue des consommateurs du Togo (LCT), l’Association togolaise pour l’éducation aux droits de l’Homme et à la démocratie (ATEDHD) et la journaliste Houefa Akpedje Kouassi.
Les restrictions de l’accès à internet étaient intervenus dans le contexte de manifestations organisées depuis la mi-août 2017 appelant à des réformes constitutionnelles, dont la limitation du nombre de mandats présidentiels. Du 5 au 10 septembre 2017, les autorités ont limité l’accès à Internet dans le pays, dans la foulée des manifestations prévues par plusieurs partis d’opposition et la société civile pendant trois jours entre le 6 et le 8 septembre, sans doute, en raison des risques de forte médiatisation de ces manifestations sur les réseaux sociaux.
La cour a jugé les coupures d’Internet non fondées par la loi, a déclaré l’Etat coupable de violation de la liberté d’expression. Elle a par ailleurs condamné l’Etat togolais à verser à titre de dommages et intérêts, la somme de deux millions FCFA à chaque plaignant. La Cour a reconnu que l’accès à Internet était un droit.
Une victoire?
Absolument. La portée de cette décision est non négligeable et dépasse le contexte togolais. Les coupures d’internet sont assez récurrentes en Afrique et sont fortement liée au climat politique.
Reconnaître que l’accessibilité à Internet comme un droit ouvre des perspectives nouvelles en Afrique et donne un signal fort. Cette reconnaissance est aussi une bonne nouvelle pour la démocratie, la bonne gouvernance et la paix sociale…mais aussi et surtout pour l’économie, désormais très dépendante de l’internet.